MMa mémoire ne me permet pas de savoir s’il s’agissait d’un costume crème ou beige, ni de distinguer d’autres détails.
Mais je me rappelle la fascination que j’éprouvais pour cet homme qui jouait du violon, les yeux fatigués.
J’étais haut comme trois pommes à ce mariage… de qui ? Je ne sais pas.
C’est un simple souvenir d’un homme épuisé qui, pourtant, continuait à faire naître de la joie dans le monde. Il me revient souvent, aux heures de fatigue.
Le concert d’hier soir, à Zurich, n’avait rien d’un mariage. Shajarian a chanté l’Iran.
Derrière lui, des images de montagnes, de jardins et de monuments défilaient.
On entendait pleurer ici et là.
J’y suis allé à contrecœur.
J’étais — je suis — en colère.
Contre mes compatriotes, approuvant l’agression d’un peuple étranger. Peu importe que j’aime ou non notre régime : il existe des colères qui dépassent les gouvernements.
Et pourtant, dès que sont apparues les montagnes du Zagros et ces mots :
« Ô mon pays, tu es mon ami, ma terre et mon amour. Tu es la source de soleil. »
…j’ai pleuré, moi aussi.
Je suis iranien.
Et mon cœur se déchire encore en entendant Saadi :
Ô chamelier, avance lentement,
Car la paix de mon âme est dans ta caravane.
Le cœur que je portais en moi
S’en va, emporté par celle que j’aime.
Je suis iranien.
Et je puise ma force dans ces vers de Hafez :
Viens, que les fleurs jaillissent et que le vin coule à flots,
Déchirons la voûte céleste et rêvons un monde nouveau.
Ce concert fut un mélange de tristesse, de déchirement et d’une joie offerte par la musique —
tandis que les musiciens portaient une seule couleur : le noir.
Pas la couleur du musicien de mes souvenirs… mais celle de deuil.
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