Un pèlerinage secret en Suisse

Même les Suisses de souche me disent que mon image de ce pays est un peu idéalisée. Mais j’aime vraiment rendre hommage à cette terre qui m’accueille depuis douze ans, à travers deux souvenirs.

Le premier remonte à onze ans, lorsque j’habitais Savigny, dans le canton de Vaud. Mon propriétaire m’avait mis en garde contre le voisin suisse allemand, “aussi strict que les autres germanophones”, disait-il.

Le lendemain de Noël cette année-là, j’ai ouvert la porte à ce voisin venu m’offrir une boîte de chocolats. Il a refusé mon invitation à entrer, mais m’a proposé de venir chez lui pour un café.
Chez lui, j’ai été accueilli chaleureusement par sa femme. Nous avons discuté deux ou trois heures dans une ambiance amicale et détendue.
Au moment de mon départ, il m’a dit, avec beaucoup de respect, que mon chat faisait ses besoins devant chez eux, et qu’il aimerait que je trouve une solution.
Je suis resté fasciné par cette façon de faire : directe mais respectueuse, chaleureuse mais précise.

Le deuxième souvenir date d’un soir, il y a huit ans. Je marchais dans la Grand-Rue de Bulle avec ma mère, venue passer quelques semaines chez moi.
À un moment, elle m’a dit :
Hamid, tu peux rentrer au pays, le ciel a la même couleur.
Elle voulait dire que je pourrais vivre aussi bien chez nous.
Spontanément, j’ai baissé la tête et traversé la rue, juste devant une voiture. Le conducteur s’est arrêté, m’a souri et m’a laissé passer, suivi de ma mère.
De l’autre côté, je me suis tourné vers elle et j’ai dit :
Tu vois, maman ? Le ciel n’a pas la même couleur ici.

J’aime raconter ces deux souvenirs à mes amis quand ils viennent me rendre visite. Je les emmène volontiers au village de Rossinière, pèlerinage discret pour les Iraniens de ma génération, bercés par le dessin animé Avec Annette aux Alpes.
Avec mes amis, nous partageons nos souvenirs d’enfance, admiratifs du courage de Julien, traversant les montagnes enneigées, par une nuit de tempête, pour réparer l’erreur qui avait blessé Denis, le frère d’Annette.
Et parfois, avec les yeux humides.

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