Avec une petite recherche sur Wikipédia, je peux retrouver la date exacte : le 9 décembre 1998.
Ce jour-là, Jack Straw donne son feu vert pour l’extradition du général Pinochet. Je ne connais toujours pas grand-chose de sa biographie, mais je sais qu’il est arrivé au pouvoir un certain 11 septembre du XXe siècle. Il a pris le pouvoir par un coup d’État appuyé par les Américains, et il a fait des dizaines de milliers de victimes dans son pays.
L’histoire du 11 septembre chilien est reléguée aux oubliettes, et l’on ne retient du 11 septembre que celui de 2001, lorsque Al-Qaïda a fait plusieurs milliers de morts.
Ce jour de décembre 1998, alors que je marchais vers mon unité, une cheffe de service de l’hôpital de Ville-Évrard, où j’étais interne, s’est approchée de moi avec enthousiasme pour me demander si j’avais eu la nouvelle. Je lui ai répondu non, et elle m’a expliqué. Mon incompréhension n’était pas seulement due au fait que je n’étais pas encore au courant de l’histoire du Chili, mais aussi à ce détail trivial et pourtant marquant : elle portait l’odeur de quelqu’un qui sort des toilettes sans avoir pris soin de lui.
C’est ce jour-là, à l’âge de 29 ans, que j’ai compris – enfin – que tout le monde va aux toilettes, tout le monde s’assoit sur la cuvette, tout le monde fait ses besoins.
En même temps, le mythe d’un Occident impeccable, soigné, respectueux des protocoles et toujours dans le bon ton, s’est effondré dans ma tête. Je me suis rappelé comment, quelques mois avant mon arrivée en France, j’avais fait attention à tout quand j’étais invité à l’ambassade de France à Téhéran comme futur interne des hôpitaux de Paris. Pour cette soirée à l’ambassade, j’avais acheté un nouveau costume et une cravate, j’avais fait attention à tous les détails, et j’avais même improvisé une amie comme compagne de l’événement.
Le 9 décembre 1998, j’ai constaté également l’absurdité de toute mon idéalisation du monde de ce côté.
Le temps a passé, et aujourd’hui, toute ma foi est perdue vis-à-vis des idéaux de ce monde. Je suis fermement convaincu d’une chose : personne n’est innocent, personne n’est saint, et chacun peut avoir sa part de “merde”.
J’ai même appris que les prétendants à « la plus grande démocratie » ne sont pas moins coupables que les dictateurs les plus féroces. J’ai appris l’histoire de la colonisation, de l’esclavage, et de l’ingérence des grandes puissances dans le monde. Et j’observe, aujourd’hui encore, le génocide du peuple palestinien par « la seule démocratie » du Moyen-Orient.
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