Les adieux d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes.
Avant, il y a des décennies, ils avaient un autre goût – amer, nostalgique. Chaque adieu était unique, comme un paysage naturel qui ne ressemble jamais à un autre.
Adieu Babak, mon ami d’école primaire, fils de haut gradé des Fadaii du Peuple.
Je garde encore en mémoire ton adresse d’alors : Laleh, quartier des Alizadeh, numéro 5.
Parfois, je fredonne cette adresse comme une chanson, sachant que ce quartier est maintenant rempli d’immeubles à plusieurs étages.
Adieu Parviz, mon ami du quartier.
Je revois encore notre duel muet, face à face, debout sur le portail de chez moi – celui qui tomberait le premier.
On ne s’est jamais dit adieu. Ce fut pourtant notre dernière rencontre.
…
Adieu Rahman.
Je me souviens t’avoir vu sortir ton buste à moitié par la fenêtre d’un taxi. Tu as crié mon nom et dit adieu en poursuivant ta route, habillé en soldat.
Nous t’avons enterré dans le carré des martyres au cimetière. Ton portrait est encore sur le mûr de la boulangerie du quartier, face à ton frère.
Adieu Ghamat.
On s’était disputés, on s’était battus. Tu étais ma bête noire dans le quartier. Tu es parti à la frontière sans adieu.
J’ai appris ta mort à la frontière, rapportée par Jamal.
Adieu Jamal.
Aujourd’hui, trente-cinq ans plus tard, ma plus grande peine est de revoir cette dernière scène.
Tu m’as dit au revoir avant d’entrer dans l’unité des grands brûlés.
Tu n’avais plus la force ni la souplesse pour couvrir tes fesses.
Ton geste d’immolation t’a laissé mourir dans des douleurs atroces.
…
Le monde de la Suisse d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec l’Iran d’autrefois.
Je déjeune avec Tamarisk. Nous nous disons au revoir, conscients que, malgré son départ en Irlande du Nord, nous resterons en contact.
Il n’y a aucun danger sur la route.
Rêvons d’un monde où les adieux ressembleraient à cela.
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