Mon père

Que serais-je devenu sans cette belle étoile grâce à laquelle je suis arrivé ici, en échappant aux catastrophes et aux dangers ?
Qui serais-je sans mon père, qui — tel un destin bienveillant — a toujours couvert mes écarts et mes bêtises ?
Comment pourrais-je oublier le jour où ma mère s’est approchée de moi, furieuse, en pointant du doigt le briquet tombé de ma poche ?
Et mon père qui s’était baissé, l’avait ramassé, mis dans sa poche :
C’est mon briquet, avait-il dit.
Et cette nuit où il avait fait des recherches pour me retrouver, alors que j’étais en garde à vue à la police des mœurs.
Ils m’avaient arrêté en flagrant délit — en train d’embrasser une fille dans un coin isolé.
Il n’a jamais reparlé de cet événement, après m’avoir sorti de leurs griffes grâce à ses relations.
Ma fierté, peut-être, est d’être devenu son image… comme dans ce souvenir :
Mes parents, ma femme, mon fils et moi voyagions de Paris à Amsterdam.
On s’arrête sur une aire de repos. Je fais semblant de marcher un peu, m’éloigne à droite de la boutique, j’allume une cigarette.
Puis je continue, tourne à gauche pour passer derrière. Et je vois mon père, la cigarette à la bouche. Il avait fait le même trajet de l’autre côté de la boutique.
Une image de moi — ou moi, une image de lui.
Un de mes grands regrets, c’est de ne jamais avoir partagé ce souvenir avec lui avant sa mort, en 2016.

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