J’ai quitté mon pays avec un monde auquel j’appartenais — le monde iranien, musulman — pour m’installer dans un autre : européen, chrétien.
Les sommets de mon bagage culturel tenaient en trois livres : le Coran, Hafez, Khayyam. Ils me donnaient la certitude d’avoir des choses à dire. Mais ici, j’ai aussi appris à écouter, à découvrir une autre culture, un autre regard — et à les chérir.
Au début, je voyais surtout à travers les émotions et les contacts humains — ce langage universel. Sans maîtriser la langue, je percevais mieux ce langage universel. J’ai découvert que les gens pleurent et rient de la même manière. Qu’ils sont fiers, comme je le suis, et ont honte des mêmes choses.. Et déjà, je comprenais : ce qui nous unit est infiniment plus vaste que ce qui nous sépare.
Aujourd’hui, j’en suis convaincu : les guerres ne sont pas des conflits entre peuples, mais entre entités étrangères à eux. Les peuples ne se haïssent pas. Ceux qui s’affrontent sont des groupes trompés, manipulés, aliénés. Et même si ces conflits semblent parfois inévitables, ils ne disent rien de l’humanité profonde.
Alors ne cherche plus rien ici, Hamid. Regarde la Terre — ce point bleu pâle — comme l’a vue Voyager 1, quittant le système solaire. Et souviens-toi : ce système lui-même n’est qu’un grain de poussière suspendu dans l’immensité.