Où cours-tu ?

Je pense à Chafii Kadkani, le poète iranien qui imagine une discussion entre l’astragale, la plante des steppes, et le vent.

— Où vas-tu avec cette hâte ? demande la plante.
— Mon cœur est à l’étroit ici, répond le vent. Je vais où ce n’est pas ici. Veux-tu m’accompagner, fuir la poussière de ce désert ?
— C’est tout mon désir. Mais j’ai les pieds attachés, les pas entravés. Je te conjure pourtant, au nom de l’amitié : quand tu auras quitté cette steppe d’épouvante, porte mes salutations aux fleurs et à la pluie.

Je me suis souvent senti comme ce vent, léger et mobile ; mais en regardant derrière moi, je vois un astragale déraciné, transplanté ailleurs, encore et encore. Les déplacements d’une plante ne sont pas sans conséquence. À chaque mouvement, une partie du corps et de l’âme reste sur place. Tu te déchires, tu te sens dénaturé, et tu as le dos brisé.

Et pourtant, mes pensées ne cessent de revenir à ma mère. Elle est à Chiraz. Fatiguée, mais debout comme un arbre. Un arbre qui a peut-être reçu le dernier coup de sa vie. Les bombardements de cet ennemi de l’humanité. Ce régime génocidaire. Tueur d’enfants et de vieillards.

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