Ma Citroën avait une âme… alors pourquoi pas ma brosse à dents ?
Je sors des toilettes et j’accompagne mon jeune patient jusqu’à mon bureau, ma brosse à dents et le dentifrice à la main.
Je m’assois et je lui expose la réflexion suivante :
Quand j’étais jeune interne, j’ai vu un jour mon chef de clinique sortir des toilettes après s’être brossé les dents. Il se rendait dans son bureau pour y ranger sa brosse à dents, puis nous commencions le travail ensemble.
Je me souviens m’être senti jaloux :
jaloux de son bureau personnel,
jaloux de son salaire supérieur,
jaloux de sa place hiérarchique.
Aujourd’hui, je suis à mon tour en face d’un patient, dans mon propre bureau.
Des assistants travaillent pour moi.
Mais mes dents ne sont plus blanches comme avant — sauf les six qui ont été remplacées par une prothèse.
Le temps a passé, et rien n’est plus comme avant.
Je pense à Omar Khayyâm :
Sur mon dos, c’est le temps qui pèse.
De moi, ne sort que malheur et faiblesse.
Mon âme a pris la route du départ. J’ai dit : « Ne pars pas ! »
Elle a répondu : « Que veux-tu que je fasse ? La maison s’écroule. »
Je perçois la force de ce poème depuis quelques années.
Alors, laissez-moi écrire.
Avant que mon âme ne parte.
Et surtout, avant que mon cerveau ne se rigidifie, ne se momifie… ne se fossilise.
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