Il y a 26 ans, j’ai quitté mon pays natal, l’Iran, pour la France. Un poste d’interne en psychiatrie m’y attendait. Malgré ma solide maîtrise de la grammaire et du vocabulaire — sans prétention — je ne connaissais rien aux expressions françaises ni à la culture européenne. J’avais appris le français chez moi à l’aide des livres et quelques cassettes.
Ce contraste saute aux yeux dès ma première gaffe- je l’ai remarqué beaucoup plus tard.
Quinze jours après mon arrivée, l’infirmière-cheffe du service “Île-de-France”, où j’allais travailler, me présente au chef de service :
– C’est le Dr Nayeripoor. Il débarque.
Je n’avais jamais entendu cette expression. Sans perdre de temps, j’ai décomposé le mot : dé + barque + er. Dans ma tête, une image s’est formée : celle d’un immigré descendant d’un bateau.
– Mais ça fait deux semaines que je suis ici… et je suis venu en avion, ai-je répondu, naïvement, du tac au tac.
Aujourd’hui, un quart de siècle plus tard, je regarde ce jeune homme avec une sorte d’admiration mêlée de tendresse. Ce jeune, c’était moi. Seul, étranger, débarqué dans un monde inconnu, sans connaître personne.
Dans ma valise, j’avais trois livres : le Coran, Hafez et Khayyam. Mais pas de dictionnaire. Je ne l’avais même pas envisagé.
Le monde iranien était encore là, intact. Et face à lui, ce nouveau monde — totalement neuf, totalement autre.
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